Jean-Marc Paubel
"Un voyage d'hiver" Jean-Marc Paubel//Daniel Airam
Projet de convergence, duo d'artistes à l'atelier autour du thème du voyage d'hiver et d'une série de neuf grands dessins pour ce qui me concerne et deux vidéos créées spécialement par Daniel Airam.
"Daniel est devenu au fil des années le lointain compagnon talentueux, érudit et bienveillant de mon chemin en création. Daniel est de ces artistes qui savent penser leur création sans pour autant lui retirer enchantement et mystère. Daniel sait que la modernité authentique puise sa force non pas dans la tyrannie de l'instant mais dans la (re) conquête du regard."
La perception, ou philosophie des images
La mise à distance ou le commencement du visible. L’art est aujourd’hui reçu avec révérence et se regarde telle une relique nourrie par la distance respectueuse qui l’enveloppe et qui plus que tout l’impose. Pourtant, comme toute relique chargée de symbole, celle-ci ne demande qu’à être vue, détaillée, expliquée. Mais plus encore, dans l’obsession de la transparence, de l’hypervisibilité dans laquelle notre société a basculé, nous exigeons que celle-ci nous montre tout d’elle, comme si son propre mystère nous était devenu insupportable. Ce rêve de transparence engendré par le monde de la science déploie sa toute puissance tel un attribut divin, y compris naturellement dans le monde de l’art. Ainsi, la vie des œuvres se voit rythmée par autant d’examens médicaux que de questionnements, les deux surgissant afin de faire taire la méconnaissance ou l’incrédulité de chacun. Plonger dans le tableau, dans chaque pigment, s’immerger dans la matérialité de la peinture, offre l’illusion de se rapprocher du mystère même de l’œuvre. Au final, ne demeure qu’une connaissance scientifique qui ne s’attache qu’au visible.
A cela, je préfère la piste du caché, de l’enfoui et plus encore de l’intime. Peut-être parce que l’intime présuppose la séparation, la mise à distance. De la sorte, il conviendrait de limiter le regard intrusif. La dissimulation donc, ou le commencement du visible. Plus encore le prélèvement d’un début d’image en même temps qu’une remise en question du statut et de la représentation de l’image. Force est d’admettre que la dynamique de l’invisible secoue le regard, obligeant celui-ci à devenir conquête, condition absolue pour la rencontre avec l’image. Dans l’inconfort, le regardeur peut être troublé, se demandant ce qu’il voit. L’art n’est pas toujours là pour rendre visible mais plutôt pour rendre présent ce qui ne se voit pas.
Sans chercher à se détourner du monde, essayons de nous approcher de sa ressemblance imaginaire. En s’éloignant du réel autant que du visible, inscrivons l’absence au cœur de l’œuvre. Cette même absence dans l’effacement de la trace, d’un geste. L’accomplissement d’un geste que l’art du passé se flattait de porter, là où le nôtre, désormais, se délecte dans une frêle contemplation.
Daniel Airam